Le dollar américain est dans la dernière ligne droite pour franchir la barre de cent gourdes pour un dollar américain. C’est la nouvelle économque de la semaine.
Dans les banques, si le taux affiché est de 95 gourdes pour un dollar, cela ne concerne que les petits montants, jusqu’à cent dollars. Au-delà, c’est à la tête du client, et selon les disponibilités, que le taux est fixé, a fait savoir au Nouvelliste un opérateur de ce marché libre.
Ce renchérissement de la devise américaine agit comme un tueur silencieux. Personne n’en parle. On le subit. Directement quand on fait une transaction de change ou indirectement en achetant un produit, un service ou un bien dont la valeur est indexée à celle du billet vert.
Lors des récentes réunions du président Jovenel Moïse avec les responsables du secteur bancaire haïtien et des associations patronales, la spéculation a été pointée du doigt comme la principale responsable de cet état de fait. Ce sont les tenants du système qui s’acharnent contre la gourde, veut-on croire et faire croire au palais national.
La dépréciation de la monnaie nationale a une autre explication pour les observateurs attentifs de l’évolution de l’économie haïtienne : l’Etat vit au-dessus de ses moyens, explose le déficit budgétaire, échoue à faire des investissements productifs, inonde l’économie de gourdes pour soutenir son train de vie et ses obligations.
Après les mois de peyi lòk, la vie a repris son cours normal et cela coûte cher au trésor public. Moins de sept milliards de gourdes de déficits publics pour le premier trimestre de l’exercice 2018-2019. Plus de quinze milliards de gourdes de déficits publics pour le premier trimestre de l’exercice 2019-2020. Cela a des conséquences sur la valeur de notre monnaie.
D’un autre côté, si l’Etat va mal, la production nationale ne va pas mieux. La part du secteur privé dans l’économie est au plus bas dans un pays en décroissance continue. La sous-traitance est le seul poste d’exportation solide. Nous importons beaucoup et exportons peu. Il n’y a pas de miracle possible pour soutenir la gourde. Le pire est à venir si les fondamentaux ne changent pas, préviennent les économistes.
Comme pour l’insécurité, il faut s’attendre à une prise de parole imminente des autorités, à des opérations coups de poing, à des tours de vis sur les taux de réserves obligatoires et les taux servis sur le crédit. L’Etat va sans doute appliquer le même remède éternel : ralentir l’économie pour protéger la gourde. Cela donnera un peu de répit, sans guérir le malade.
Alors que les négociations politiques sont dans l’impasse, les fins connaisseurs des mœurs haïtiennes craignent déjà que le dernier décret pris sur la passation de marchés ne serve que de moyen pour soustraire l’Etat aux obligations légales pour lui permettre de dépenser comme bon lui semble aux prétextes de la sécurité et de la défense nationale.
Impasse politique et dépenses sans contrôle sont deux facteurs qui peuvent alourdir le fardeau pour la gourde.
Edito du nouvelllste